
Dans les réserves du Palais Carnolès : une plongée dans les estampes japonaises
J’ai eu la chance de pénétrer dans les réserves fermées au public du Musée des Beaux-Arts de Menton – le Palais Carnolès – pour une visite très spéciale : la découverte de trésors d’estampes japonaises en compagnie du Conservateur du Musée. Ces estampes, collectionnées par un amateur Roumain vivant à Nice, appartiennent à Menton depuis les années 50.
A la découverte de l’estampe japonaise
L’estampe japonaise a émergé au Japon à l’époque d’Edo (ancien nom de Tokyo). Elle est née dans un contexte urbain, populaire, souvent liée à l’illustration de récits, à la vie quotidienne ou aux paysages.
Contrairement à une peinture unique, l’estampe se produit en plusieurs exemplaires sur papier de riz : pour une seule image, l’artiste dessine, un artisan grave une planche de bois par couleur, et un autre imprime la feuille finale.
Finalement, chaque estampe est unique ca l’imprimeur décide des couleurs, des dégradés, et autres effets.
Au départ, elles sont toutes en noir et blanc. Puis est venue la couleur à partir du XVIIIème siècle. Le Bleu de Prusse est apparu en dernier dans les estampes, et a créé son petit effet.








Hokusai et Hiroshige : les grands maitres
Sorties des boîtes plates des réserves, j’ai pu voir des œuvres signées Hokusai et Hiroshige.
Hokusai, l’auteur des célèbres Trente-six vues du mont Fuji (il y en a eu plus, en réalité, compte tenu de leurs succès), dont la fameuse Vague, manie les courbes et les forces de la nature comme un calligraphe de l’invisible. C’était le premier à utiliser le bleu de Prusse au Japon.
Hiroshige, plus contemplatif, plus doux, promène son regard le long des routes, des pluies, des neiges, avec une attention tendre aux saisons et à l’humanité.
J’ai découvert des planches de sa série des 53 stations du Tokaidone route mythique reliant Edo à Kyoto, ponctuée d’auberges, de villages, de scènes de la vie ordinaire. En fait, ils utilisaient ces estampes pour illustrer les beautés de leur pays. Une sorte de guide touristique qui recense les richesses du pays, avec les spots à découvrir, les bonnes adresses pour manger etc… déroutant de modernisme !
Le côté caricatural de certains personnages fait penser aux futures bandes dessinées.





Une autre vision
Ce qui frappe dans ces œuvres, c’est leur modernité : le cadrage avec la pointe du mont Fuji qui dépasse, une ombrelle tronquée au premier plan, le blanc du papier pour la cascade, les textures de l’eau très stylisées, les expressions un peu grotesques de certains personnages, la portée touristique des estampes… La perspective peut sembler flottante, les ombres inexistantes, mais c’est ce qui fait le charme de ces œuvres.
Le mouvement est très présent (dans les nuages, dans les traits graphiques et colorés en fond des oiseaux).
Apparemment, les impressionnistes se seraient inspirés des estampes (Renoir, Bonnard…), Debussy aurait composé “La Mer” après avoir acheté un des 300 exemplaires de La Vague.
Ces estampes dorment aujourd’hui à l’abri de la lumière. Le musée est temporairement fermé au public. J’ai hâte de les voir mises à l’honneur et exposées au yeux public pour que chacun puisse s’approprier cet art venu du Japon.
Merci aux Amis des Muses de Menton pour cette opportunité incroyable. J’étais obligée de partager cela avec vous !
En attendant, je vous partage mon tuto à l’aquarelle inspirée de La Vague de Hokusai, version Méditerranéenne avec Menton au loin.